– Uniforme du 1er e 2nd Empire en détail – Une collection particulière
“Dès ma petite enfance, bègue et isolé, j’ai commencé à créer en pâte à modeler mes petits soldats de la Grande Armée, puis à l’adolescence je découvris « l’art du feu », la terre cuite et la faïence. D’après une documentation rigoureuse, ces figurines sont réalisées en terre blanche de Limoges d’une hauteur moyenne de 25 cm. Pièce unique.”
La terre blanche de Limoges est une pâte à faïence magnifiquement douce, fine, grasse, plastique ; en raison de ses qualités, elle me permettait de pousser loin dans les détails. Ainsi qu’un couturier instruit à la bonne école de Mr Brunon, je me servais d’une aiguille à coudre,ce fin outil m’aidait à marquer dans la terre la trame du tissage des galons dits à ‟cul de dé′′, et ceux, dits, à ‟bâton′′, sans négliger les ouvertures des boutonnières et le tracé des lignes de coupe des vêtements. Les modèles à la hussarde totalisaient par figurine cent quatre-vingts boutons, à cette échelle, chacun de la grosseur d’une tête d’épingle. Je les fixais un à un à la colle de ma salive, sur les dolmans et pelisses. Mon travail était un délassement, je modelassais des dix douze heures par jour, en débordant gros sur les nuits, la radio branchée sur France-Inter, l’émission du Pop Club de José Arthur, illustré de musiques planantes… Je rêvassais sur ces habits aux couleurs psychédéliques, papillons de collection qui, couché bien à plat au creux de leurs caisses engrangées dans les réserves du château de l’Emperi,s’envolaient de leurs malles-cocons, et venaient après minuit, durant ces heures blanches, mecaresser de leurs basques l’esprit…
Grande, est la Grande Armée, à l’infini sont les modèles, les combinaisons des tenues. Les encouragements de Mr Brunon me surdynamisaient. A des périodes, je ne jurais qu’en vertu du strict règlement ; d’autres passes, où j’explorais la réalité du vécu, les troufions en campagne dans leur misère crasse. Traduits en figurines, cela donnaient des êtres affublés de capote râpée, pétassée aux coudes, falzar mal braillé, shako foutu de traviole sur le coin de l’œil, havresac chargé d’une poule ou d’un lapin, pendu par les pattes, embistrouillés à des ustensiles de cuisine mêlés parfois à des pièces d’argenterie, fruits de rapines, ficelés de bricet de broc au bardât. ”
Bernard Belluc
Une collection particulière.
(Je remercie le collectionneur de m’avoir ouvert ses armoires afin de pourvoir en faire des photos pour le site.)